Souvenirs de voyages… avec Pierre Wittmann
Une journée à Sydney
Je suis descendu en ville en bus, puis en bateau depuis Manly. Passé au musée, qui a maintenant une nouvelle extension sur trois niveaux ; regardé la plupart de ces croûtes sans beaucoup d’enthousiasme, en me demandant s’il était bien sage de consacrer ma vie à augmenter cette profusion d’œuvres d’art qui moisissent lentement dans les musées. Ce n’est pas très encourageant. J’ai bien aimé une grande toile de Palladino, belle de couleurs et peinte comme j’aimerais peindre : très jeté si on regarde de près, mais subtil et raffiné lorsqu’on s’éloigne. Belle expo de dessins et d’esquisses en couleurs sur papier d’un artiste australien, Albert Tucker, né en 1914. Sur le reste, je suis passé très vite sans m’attacher au plaisir de la vue ni à l’aversion ; équanimité devant ces impressions visuelles : pas d’émotion devant les souvenirs de tous ces moments créatifs du passé. Un musée est finalement un cimetière d’œuvres mortes qui attendent leur lente décomposition. Le moment présent de l’acte créatif est oublié depuis longtemps. La société n’en collectionne que les fruits stériles : l’éjaculation spirituelle de l’artiste fossilisée dans la matière, les excréments refroidis et séchés de sa digestion mystique. La matière est vraiment limitée : comment une image d’un mètre carré peut-elle représenter valablement une inspiration cosmique qui voyage dans des dimensions infinies…
Beaucoup de femmes asiatiques dans les rues de Sydney : elles sont très belles ; pour moi, leur beauté est pure de toute connotation sexuelle, elle n’est qu’un plaisir des yeux. Les Australiennes ne sont pas très belles dans le sens purement esthétiques du terme, mais plus excitantes : elles sont dangereuses. Dukkha* est sournoisement caché derrière leur peau blanche, leurs minijupes, leurs maquillages, leurs cheveux blonds vaporeux : mais je le vois, éblouissant derrière les apparences. Je garde soigneusement la porte de mes yeux et ne laisse pas proliférer mon esprit.
Ce matin, j’ai fait une demi-heure de méditation, la première depuis plusieurs jours ; c’était très calme et très bon, simple et réconfortant, comme lorsqu’on retrouve sa maison après un fatigant voyage : un vrai refuge. Je demandais à Patrick si on perdait, oubliait, quand on cessait de pratiquer. On perd un petit peu, dit-il, comme quand on cesse de pratiquer un sport ou une langue, mais ça revient très vite dès qu’on recommence. Quant aux moments d’insight*, même si on les oublie, eux, dit-il, ne nous oublient pas. Ce qui veut dire, si j’ai bien compris, qu’on ne peut plus faire marche arrière une fois qu’on est engagé sur la voie.
J’ai feuilleté cet après-midi à la librairie Adyar les Notebooks de Paul Brunton : seize volumes publiés après sa mort ; sept mille pages de notes classées par thèmes : des pensées, maximes, idées suggestives de une à dix ou quinze lignes. Trop vaste et en même temps trop concentré pour être lisible et assimilable comme un livre : à prendre régulièrement en doses homéopathiques. Lourd dans les bagages ; j’en achèterai peut-être un volume pour goûter. Je me demandais si je devrais mettre les pensées de mon Journal sous cette forme, mais je la trouve aride et austère ; je vois plutôt des petites histoires, nouvelles, dissertations, fantasmes, masturbations spirituelles… de une à quelques pages ; avec un style assez libre, décousu, jeté, poétique, parfois retravaillé avec des mots choisis, un style pensé plutôt qu’écrit ou parlé… Éventuellement avec des illustrations : trouver une relation mots-image.
* Dukkha (pali) : insatisfaction, imperfection, souffrance. Une des trois caractéristiques de l’existence et de tous les phénomènes, selon le bouddhisme. Les deux autres sont anicca (l’impermanence) et anatta (l’impersonnalité). Il y a trois sortes de dukkha : le dukkha de la souffrance : la souffrance est douloureuse par elle-même ; le dukkha du plaisir : le plaisir n’est pas complètement satisfaisant parce qu’il contient l’incertitude de son accomplissement et de son prolongement, la crainte de sa cessation et la nature douloureuse de la lassitude et de la satiété qu’il ne manquera pas de produire ; et le dukkha inhérent à tous les phénomènes conditionnés.
* Insight (anglais) : littér. vision intérieure. Terme utilisé dans le bouddhisme pour désigner la méditation de la sagesse (vipassana, insight meditation), par opposition à la méditation du calme (samatha). Ce mot est couramment utilisé en anglais pour nommer une vision intérieure, révélation, compréhension, intuition profonde, prise de conscience… Comme je n’ai pas trouvé de mot français qui me semblât approprié pour exprimer la véritable connotation d’insight, j’ai préféré garder le mot anglais.
30 janvier 1990, Sydney
Regarder la vie
Regarder la vie est le nom que je donne à une série de textes tirés de mes écrits autobiographiques : extraits de mon Journal ou Réflexions sur l’art et la spiritualité.
Ces regards, qui sont l’essence de mon Journal, sont également l’essence de ma vie, et peut-être aussi l’œuvre de ma vie. Je pense souvent que je devrais cesser de me disperser dans tant d'activités futiles pour consacrer la fin de ma vie à peaufiner cette œuvre essentielle. Afin que mes regards les plus éclairés sur la vie inspirent ceux qui les croiseront à poser de nouveaux regards sur la vie.
Car l'essence de la vie, n'est-ce pas l’art de savoir, en toute circonstance, la regarder avec tendresse, sagesse et bienveillance ?
Peinture et écriture
La peinture et l’écriture sont mes deux manières d’exprimer, et de partager, les regards que je pose sur ma vie, et sur la vie.
Sur ce site, comme le suggère Roland Barthes dans l’Empire des signes, les textes ne commentent pas les peintures, et les peintures n’illustrent pas les textes : leurs rencontres fortuites révèlent la nature imprévisible de la vie.
Regarder la vie – m’émerveiller chaque jour devant son indicible beauté et découvrir la vraie nature des choses, une réalité qui dépasse la fiction et l’imagination – est une inépuisable source d’inspiration qui m’invite à Aimer la vie, en toutes circonstances.
Afin de mieux comprendre le projet Regarder la vie, je vous conseille de lire les articles suivants :
Regarder la vie : L’essence et l’œuvre de ma vie
Aimer la vie : La voie de la lumière
Penser autrement : Quelle vérité croire ?
Pour donner une vue d’ensemble de mes regards sur la vie, je les ai postés sur une nouvelle série de sites web où ils sont groupés par thèmes : un classement ludique et impromptu qui pointe sur les sujets que me tiennent à cœur…
Aimer la vie
Aimer la vie – 2
Art et création
Art et création - 2
Co-créer le changement
Conseils du cœur
Créer un monde spirituel
Émerveillements
Éveiller l’humanité
Expériences collectives
Expériences personnelles
Expériences spirituelles
Graines de sagesse
Imaginer un nouveau monde
Imaginer un nouveau monde - 2
Nouvelle réalité
Nouvelle réalité - 2
Penser autrement
Questions existentielles
Regarder la vie
Souvenirs de voyages
Un monde sans argent
Voyages-intérieurs
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Les illustrations de ce site sont des peintures de Pierre Wittmann.