SOUVENIRS DE VOYAGES

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Camille Claudel

100 Jogging in NYC

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J’ai fait un petit tour dans le grand magasin Parco, sans enthousiasme, ai mangé un spaghetti dans un restaurant italien et suis allé voir Camille Claudel en français. Comme le film dure trois heures, cela m’a occupé tout l’après-midi : ça tombait bien. Le film est plutôt dur, et fort en émotions ; moi qui étais déjà abattu par le temps et la basse pression, cela ne m’a pas remonté, au contraire. Je trouve que Gérard Depardieu ne convient pas très bien au personnage, par contre j’aime bien Isabelle Adjani : dès le début, elle m’a fait penser à Pamela, sans que je sache comment le film allait se terminer. La fin est tragique et horrible, et m’a vite fait oublier les rêves d’amour et de vie d’artiste que la première partie avait suscités. Dans le hall du cinéma, il y avait un bronze de Camille Claudel et des photos de quelques œuvres : très proches en effet du style de Rodin.

Ce qui m’a surtout choqué dans cette histoire, c’est comment, à cette époque, on enfermait facilement des artistes un peu gênants dans des asiles de fous. Je pense aussi à Van Gogh, à Artaud. Sans doute le père de Camille Claudel, qui adorait sa fille, n’aurait jamais accepté son internement ; c’est quelques jours après sa mort que la décision fut prise, semble-t-il par son frère, Paul Claudel, qui n’a pas eu de peine à avoir l’assentiment de sa mère qui détestait Camille. Curieusement par contre, Paul adorait sa sœur quand il était plus jeune, et a complètement changé sa position. Dans le film, il semble qu’il y ait eu un problème au vernissage de son exposition quand elle est arrivée déguisée en bohémienne et que Paul est parti sans la saluer. On voit alors Camille chercher désespérément son frère. Paul avait un haut poste dans la diplomatie et devenait un écrivain célèbre ; sa sœur, qui était sans doute devenue un peu folle, était probablement un danger pour sa réputation, sa sécurité et son bien-être dans la société. D’ailleurs, peut-être pour les mêmes raisons, Rodin est devenu impitoyable avec elle après leur séparation. 

Camille fut ainsi enfermée pendant trente ans, jusqu’à sa mort, sans, semble-t-il, que son frère soit venu la voir. C’est horrible ! Mais de nos jours aussi, les asiles sont pleins de gens qui sont simplement une gêne pour leur famille. Lorsqu’on est très attaché à son confort, ses habitudes, sa réputation, sa tranquillité et sa liberté de mener sa vie selon ses désirs, on peut ressentir une grande peur devant des proches qui n’ont plus toute leur raison ; leur comportement est imprévisible, ils ne suivent pas les règles et la logique de la société, semblent incontrôlables et donc dangereux, ou deviennent simplement un fardeau et une gêne si on doit s’occuper d’eux. 

Je pense aussi au film Rain Man. Il est vrai que moi aussi je suis très mal à l’aise devant les gens qui me semblent un peu fou ; cela me rappelle le malaise que j’ai ressenti avec cette femme l’autre soir à Kyoto. Il faudrait sans doute être complètement détaché de son ego et de toute ambition personnelle et égoïste pour pouvoir accepter sans peur les psychopathes et s’occuper d’eux ; ou simplement les malades et les vieux, qui sont bien souvent, dans notre société, mis au rancart dès qu’ils deviennent trop gênants. 

 

19 octobre 1989, Tokyo

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