Temples zen
Hier, j’ai passé une bonne journée, consacrée entièrement à la visite de temples et à la pratique du zen. Je suis d’abord parti pour le Daitoku-ji, un grand complexe de temples situé au nord de Kyoto qui m’avait beaucoup impressionné il y a six ans. J’en avais gardé des souvenirs très précis, j’y avais fait beaucoup de photos et avais été très séduit par l’architecture simple et les jardins zen. J’ai retrouvé les mêmes sensations d’harmonie, de raffinement, de calme. En plus, ces petits temples ne sont pas trop touristiques : pas de marchands de souvenirs et peu de monde. Dans l’un d’eux, j’étais seul ; dans les autres, il n’y avait que quelques personnes. Je crois que mon favori est le Koto-in, avec son jardin très simple, ombragé, humide et moussu. Je suis resté longtemps à le contempler, un peu dérangé cependant par deux Anglo-Saxonnes obèses qui parlaient fort et fumaient beaucoup, affalées sur la véranda dans leurs tenues débraillées aux couleurs criardes, aussi incongrues que deux vaches dans un magasin de porcelaine.
La présence des touristes est une insulte à l’harmonie des belles choses. J’ai toujours de la peine à l’accepter et à lâcher prise. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle la plupart des temples sont interdits aux visiteurs. Il n’y en a que quelques dizaines qui sont sacrifiés au culte glouton des touristes, appât nécessaire aux intérêts financiers de la ville. Il semble aussi que les Occidentaux ne soient plus autorisés à séjourner dans les monastères de Kyoto, à cause de leur mauvaise tenue et de leur manque de respect pour les rites et les traditions religieuses. On vit une bien misérable époque : les gens sont fiers de bafouer les valeurs du passé et pensent que c’est la voie du progrès. Ce n’est certainement pas celle de la sagesse et du bonheur.
3 octobre 1989, Kyoto