SOUVENIRS DE VOYAGES

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Cérémonie du thé

147 Jour férié à Venise

147 Jour férié à Venise

En sortant du Ryogen-in et de mes méditations sur l’impermanence des perceptions, j’ai pris un taxi pour le Ginkaku-ji, où – oh ! impermanence ! – j’ai retrouvé l’horreur des hordes de touristes bruyantes et vulgaires et des marchands du temple âpres au gain qui entourent le monastère des mailles de leur filet. Je me rappelle que ma précédente visite avait aussi été un cauchemar ; je ne me suis pas attardé. Je m’étais d’ailleurs fait déposer là non pas pour visiter ce temple en particulier, mais pour faire la balade du chemin des philosophes : un petit sentier dallé qui longe un canal à l’ombre des arbres. Après avoir dépassé les derniers marchands de souvenirs, de glaces et de pizzas, la balade est belle et paisible. Le touriste est heureusement paresseux et peu enclin à l’effort. Il ne s’éloigne guère de plus de quelques centaines de mètres de son bus climatisé. 

Au bout de cette délicieuse promenade où mon esprit eut tout loisir de continuer à se promener lui aussi dans ses divagations philosophiques, je fus attiré par une belle maison de thé cachée dans la verdure : Shojuan. On m’a d’abord conduit dans une salle d’attente où l’on m’a servi un petit verre de jus de pommes avec de minuscules glaçons et une serviette chaude. Après quelques minutes, j’ai suivi une charmante geisha jusqu’au salon de thé : je me suis assis sur un tapis posé sur les tatamis. Une jeune fille en kimono m’a d’abord apporté un petit gâteau, très joli et très bon, puis a préparé le thé à mes côtés. Elle a nettoyé d’abord tous les ustensiles avec un chiffon rouge vif, a mis une poudre verte dans un grand bol de trois cents ans d’âge, y a versé un peu d’eau chauffée dans un chaudron de bronze placé sur un brasero, puis a remué cette mixture avec une sorte de blaireau pour la faire mousser.

Une autre geisha est venue me présenter le bol et j’ai bu à deux mains ces quelques succulentes gorgées de thé. Comme entre-temps un couple de Japonais était venu s’asseoir à ma gauche, j’ai pu observer encore une fois le rituel de cette cérémonie. Ensuite, j’ai laissé mes yeux errer dans le jardin de mousse, bercé par le bruit d’une cascade et par la voix douce et posée de la geisha qui faisait la conversation en japonais, agenouillée sur ma droite. Mon esprit s’immobilisait dans cette oasis de calme et de béatitude et je me disais que ces moments de luxe et de raffinement sont devenus bien rares dans le monde actuel : il faut savoir les savourer avec respect en attendant qu’ils disparaissent complètement de la surface de cette planète. Le soleil allait se coucher et j’ai continué ma promenade solitaire dans les jardins du Eikando-ji, désert à cette heure car le temple proprement dit était déjà fermé.

 

3 octobre 1989, Kyoto

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