Le Vendée Globe
Cette semaine, il y a eu l’arrivée des dix premiers concurrents du Vendée Globe, la course en solitaire (sans escale et sans assistance) autour du monde, après un peu plus de 80 jours de navigation. J’étais tombé par hasard sur le départ de cette course le 8 novembre dernier, et depuis je l’ai suivie tous les jours avec beaucoup de plaisir. Même si je n’ai plus fait de voile depuis plus de 30 ans, depuis que je vis en Thaïlande, je garde de bons souvenirs de mes années de navigation sur le lac Léman dans ma jeunesse, et des nombreuses régates que je faisais chaque année. Sur la mer, je me souviens d’une croisière entre la Côte d’Azur et la Corse et d’une autre sur le Pacifique entre Tahiti et Bora Bora. Même si les circonstances ne se sont pas présentées dans cette vie, je me serais bien vu traverser les océans à la voile, ou même faire le tout du monde. Aussi, ce Vendée Globe m’a bien fait rêver.
J’ai été très impressionné par la personnalité de ces navigateurs, sympathiques, chacun dans leur genre. Ils étaient 33 au départ, dont six femmes ; dix sont arrivés et 15 sont encore en course. Cette course est vraiment très bien organisée, on peut féliciter les organisateurs. Bien sûr, les moyens de communication modernes y sont pour quelque chose. Sur le site internet, en plus du classement et de la carte de la position des bateaux, avec toutes les informations techniques (vitesse du bateau, vitesse du vent, température de l’air et de l’eau, distance à l’arrivée, distances entre les concurrents), on avait chaque jour des messages des marins, racontant leurs joies et leurs difficultés, des vidéos en direct, et le Vendée Live, un compte-rendu quotidien de la situation.
À l’arrivée, pour chaque concurrent, la vidéo en direct de son passage de la ligne d’arrivée (quand les conditions le permettaient), la remontée du chenal qui conduit au port, sous les applaudissements de la foule, très limités cette année à cause de la crise sanitaire, l’arrivée sur le ponton, plus une conférence de presse où les marins racontent les principales péripéties de leur course.
Avec la technologie moderne, les conditions de navigation du Vendée Globe, et des régates actuelles, sont très différentes de celles que j’ai connues dans les années 1960 et 1970 sur le lac de Genève, de celles qu’ont connues mes amis qui étaient venus à la voile jusqu’à Tahiti dans les années 1980, et même de celles des célèbres navigateurs comme Tabarly à la même époque.
Les bateaux qui participent au Vendée Globe sont des Imoca, des bateaux légers en carbone de 60 pieds (près de 20 mètres) de long, 5 à 6 mètres de large, avec un mat de 28 à 30 mètres de haut et une surface de voiles de 400 à 600 m2. Dans des conditions normales, ils sont sensés être insubmersibles. Ces bateaux sont équipés de toute une série d’équipements électroniques et de gadgets sophistiqués : ordinateurs, balises de repérage, caméras vidéos, connexions internet par satellite, radars, mais aussi plusieurs système très performants de pilotage automatique, désalinisation de l’eau de mer, générateurs de divers types, et toutes sortes d’alarmes et de systèmes de sécurité.
Les Imoca les plus récents sont équipés de foils, des sortes d’ailes profilées qui leur permettent de surfer sur les vagues et d’atteindre des vitesses de plus de 30 nœuds. Mais même ceux qui n’ont pas de foils naviguent déjà à plus de 20 nœuds. À ces vitesses, ces bateaux vibrent et sont très bruyants, ce qui est très inconfortable quand il faut supporter ces conditions pendant des semaines. Lorsque ces bateaux butent à cette vitesse dans les vagues cela crée des chocs très violents qui, dans les pires des cas, peuvent briser ou fissurer la coque, mais peuvent aussi casser ou endommager toutes sortes d’accessoires et d’équipements. Et il semble que, pour la plupart de ces marins, il n’y a pas un jour sans un problème technique. Ils emmènent donc des outils, des matériaux, des pièces de rechange, et il faut qu’ils soient bons bricoleurs, car ils ne dépendent que d’eux-mêmes pour réparer les avaries. Il faut être capable de monter au mat, de recoudre les voiles déchirées, de démonter et réparer les appareils, mécaniques et électroniques, et tout cela en pleine mer. S’ils ne sont pas capables de réparer, ils doivent abandonner la course et rallier le port le plus proche. Tous les bateaux sont obligatoirement équipés d’un moteur, qu’ils n’ont le droit d’utiliser, tant qu’ils sont en course, que pour faire tourner un générateur.
L’itinéraire de la course, après le départ des Sables d’Olonne, comprends la descente de l’Atlantique, avec la traversée du pot au noir, une zone de turbulences et de calme proche de l’équateur, le passage au sud des trois caps, le cap de Bonne Espérance au sud de l’Afrique, le cap Leeuwin au sud de l’Australie et le cap Horn au sud du Chili, en traversant l’océan Indien et l’océan Pacifique, puis la remontée de l’Atlantique jusqu’aux Sables d’Olonne. Même si la course a lieu pendant l’été austral, il fait très froid dans les mers du sud, l’eau est glacée et il neige parfois. Les conditions de vent et de mer sont intenses, c’est pourquoi on appelle ces régions qui contournent l’Antarctique les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants. Il y a, au sud de ces zones, une limite des glaces que les marins n’ont pas le droit de franchir afin d’éviter de rencontrer des icebergs.
31 janvier 2021, Chiang Mai